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Quel avenir pour le mouvement anti-ESG dans un contexte canadien?

 

Alors qu’une étude dévoilée par la Banque de développement du Canada (BDC) révélait que l’an prochain, 92% des grands donneurs d’ordres au Canada comptent exiger que leurs fournisseurs divulguent leurs critères environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG), un mouvement récent aux États-Unis est né pour s’opposer à cette évolution considérée comme préjudiciable aux intérêts des investisseurs. En effet, alors qu’une réelle tendance internationale vers l’investissement durable se dessinait, le gouverneur républicain Ron DeSantis promulguait en mai dernier une loi restreignant le recours aux critères ESG dans l’État de Floride, consacrant ainsi le récent mouvement anti-ESG prenant forme aux États-Unis.

Tout marginal que ce mouvement semble pour certains optimistes de ce côté-ci de la frontière, une telle législation pourrait-elle voir le jour au Québec ou au Canada ? Pour mieux nous faire une tête sur la question, nous survolerons les tenants et aboutissants de la notion de critères ESG, le cadre juridique canadien et québécois, ainsi que les ramifications du mouvement anti-ESG voyant le jour chez nos voisins du sud et les impacts pour les entreprises québécoises.  

 

Genèse de l’ESG

Dans un premier temps, il convient de clarifier les notions connexes de responsabilité sociale d’entreprise (RSE), de développement durable, et de critères ESG, lesquels sont explorés dans le cadre d’une session de formation disponible sur l’Académie en ligne du CPEQ et donnée par MM. Martin Dorais et Éric Gladu. Nous en mentionnons ici les grandes lignes.

La responsabilité sociale d’entreprise (RSE) repose sur l’idée qu’une entreprise devrait jouer un rôle positif dans la communauté. On attribue généralement le concept à Howard Bowen à la suite de la parution en 1953 de son livre Social Responsabilities of the Businessman. Un certain changement de paradigme s’opère avec l’apparition, en 1984, de la théorie des parties prenantes (stakeholder theory), attribuée à R. Edward Freeman, voulant que l’entreprise aurait une responsabilité envers tous ceux qui possèdent un intérêt dans son fonctionnement. Aujourd’hui, la définition de la responsabilité sociétale des entreprises proposée par la Commission européenne consiste en « l’intégration volontaire par les entreprises de préoccupations sociales et environnementales à leurs activités commerciales et leurs relations avec les parties prenantes. »

La genèse du concept de développement durable se trouve quant à elle dans le Rapport Brundtland, où la définition suivante fut proposée :

 « Le développement durable est un mode de développement qui répond aux besoins des générations présentes sans compromettre la capacité des générations futures de répondre aux leurs. »

Le Sommet de la Terre de Rio 1992incita des associations d’entreprises à adhérer au concept de développement durable, menant ainsi à la formation du Business Council for Sustainable Development, puis du World Business Council for Sustainable Development en 1995. C’est aussi en 1992 que le Conseil Patronal de l’Environnement du Québec (CPEQ) fut créé. Notons également la création du Global Reporting Initiative (GRI) en 1997 avec l’appui de l’ONU pour normaliser la rédaction de rapports environnementaux et sociaux.

La traction que gagnèrent les mouvements du développement durable et de la RSE mena, en 2006, à l’adoption des Principes pour l’investissement responsable (PRI) sous l’égide de l’ONU, dans le but d’encourager les investisseurs à contribuer au développement durable. La prise en compte de critères financiers en matière de développement durable ont ainsi pris plus d’ampleur, menant à une certaine reconnaissance des critères environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG) à l’échelle internationale. Dès lors, nous pouvons définir les critères ESG comme un ensemble de normes environnementales, sociales et de gouvernance, applicables aux entreprises, et qui sont utilisées par les investisseurs. Ces critères représentent les risques et les occasions d’affaires tels que les changements climatiques et la rareté des ressources susceptibles d’avoir un impact sur la capacité d’une entreprise à créer de la valeur à long terme.

La question des critères ESG est devenue un incontournable dans le milieu des affaires d’aujourd’hui, avec plus de 96% des investisseurs québécois affirmant que la performance ESG joue un rôle central dans leur prise de décision. La multiplication des cadres de divulgation des indicateurs ESG et la création en 2021 de l’International Sustainability Standards Board (ISSB) visant la normalisation des normes d'information financière relatives au développement durable sont également tributaires de la place importante qu’occupent désormais les critères ESG.

 

Le mouvement anti-ESG

Alors que la question environnementale devint le zeitgeist de la décennie actuelle et que les investissements socialement responsables (ISR) représentaient, en 2020, 35 300 milliards de dollars américains et 35,6 % des actifs sous gestion, de nouvelles voix anti-ESG se sont élevées récemment aux États-Unis.  

Les partisans anti-ESG s’opposent avec virulence à l’investissement socialement responsable et au développement durable. Ils considèrent ces idées comme préjudiciables aux intérêts des investisseurs. Selon eux, les critères ISR ou ESG servent des intérêts politiques contraires aux valeurs des épargnants concernés, d’où la terminologie anti-ESG et parfois même « anti-woke ».

La première itération du mouvement américain anti-ESG peut être retracée en février 2021 selon InfluenceMap, alors qu’une association de l’industrie du charbon a aidé à rédiger un projet de loi interdisant aux fonds de retraite publics d’investir dans des entreprises qui se départissent des combustibles fossiles. Depuis, les fonds anti-ESG connaissent une croissance rapide en nombre, en particulier aux États-Unis, où l’enjeu des critères ESG devient chargé politiquement et ainsi hautement polarisant. Selon un rapport publié par Morningstar, les flux monétaires vers ces fonds anti-ESG ont atteint leur sommet au troisième trimestre de 2022 avec 376 millions de dollars versés.

La fougue pour le mouvement anti-ESG a atteint un sommet plus récemment avec l’annonce d’une « alliance anti-ESG » en mars 2023 par 19 gouverneurs républicains. Cette alliance viserait à protéger « les contribuables des influences ESG dans les systèmes étatiques » et « les citoyens des influences ESG dans le secteur financier » [notre traduction]. En outre, le gouverneur de l’État de la Floride, Ron DeSantis, a promulgué, en mai 2023, une législation stricte visant à limiter l'utilisation des facteurs environnementaux, sociaux et de gouvernance dans la prise de décisions financières à l’échelle étatique, comme nous le mentionnions précédemment.  Cette loi empêche les responsables de l'État d'investir de l'argent public dans la promotion des critères ESG, donne la priorité aux rendements financiers des fonds publics et des pensions, élimine les considérations ESG dans les contrats publics et interdit l'émission d'obligations vertes.

La politisation des critères ESG aux États-Unis crée également des tensions internes au sein des entreprises. Selon un sondage mené auprès de 125 entreprises par l’organisation internationale de recherche à but non-lucratif The Conference Board, environ la moitié d’entre elles disent avoir eu des retours négatifs liés à leurs stratégies environnementales, sociales et de gouvernance (ESG), et 43% des dirigeants estiment que l’opposition continuera à augmenter. Dans ce contexte, il n’est pas surprenant de constater un phénomène connexe, l’ « écodiscrétion » (greenhushing), soit le fait d’éviter d’attirer l’attention sur leurs mesures visant à répondre aux critères ESG.

 

La cadre politico-juridique au Canada et au Québec : l’évolution de la question RSE

Considérant la consécration par la législation qu’a récemment connu ce mouvement autrefois considéré comme marginal, l’anti-ESG pourrait-il trouver une certaine résonance au Canada? Avant de se pencher sur la question, un examen du cadre politico-juridique entourant la question ESG, tant au niveau fédéral que provincial, s’impose.

Il convient, de prime abord, de considérer qu’à la base, la pratique qui vise à se doter de critères ESG se veut volontaire et non contraignante. Dès lors, les ramifications légales de sa mise en œuvre ne sont pas toujours claires. Or, si la base normative semble être floue tant au Canada qu’au Québec, cela ne veut pas pour autant dire qu’aucun encadrement de la pratique n’existe. En effet, les positions gouvernementales et législatives en matière de RSE et de développement durable se sont multipliées au cours de la dernière décennie, comme le soulignent les auteurs Tchotourian, Deshaye, & Mac Farlane-Drouin dans leur article Entreprises et responsabilité sociale : évolution ou révolution du droit canadien des affaires ? 

À ce sujet, en novembre 2014, le Canada s’est doté  d’une nouvelle stratégie de promotion de la responsabilité sociale des entreprises pour les sociétés extractives canadiennes présentes à l’étranger, témoignant ainsi de la volonté du gouvernement d’accorder à la RSE une place plus importante dans la sphère économique. Plus récemment, le gouvernement fédéral a annoncé une stratégie quinquennale (2022-2027) intitulée : La Conduite responsable des entreprises à l’étranger : Stratégie du Canada pour l’avenir , reconnaissant par ce fait même l’avantage concurrentiel que l’ESG représente, mentionnant à cet effet l’augmentation des attentes des investisseurs et particuliers à l’égard des entreprises et de leur rôle dans la société. En mai 2023, le Parlement fédéral a également adopté une loi visant à lutter contre le travail forcé des enfants dans les chaînes d’approvisionnement.

Au Québec, le gouvernement québécois a intégré les préoccupations de la RSE et du développement durable aux politiques et aux actions gouvernementales en adoptant la Loi sur le développement durable (LDD) de 2006, laquelle énonce 16 principes détaillés devant guider le gouvernement dans l’adoption d’une stratégie de développement durable. Cette loi vise principalement l’administration publique. Si la LDD ne vise pas directement les critères ESG, elle se veut toutefois un instrument législatif à la portée large permettant de traduire l’intention du gouvernement québécois de faire du développement durable une priorité économique. Selon les professeurs Paule Halley et Denis Lemieux,

« [l]’introduction du concept de développement durable dans la législation du Québec et dans les politiques publiques devrait se traduire par un renouvellement de la pensée dans la façon de faire du développement et de créer du progrès »

C’est ainsi que la finance durable[1] et l’intégration des critères ESG dans l’utilisation de ressources financières publiques et privées constitue l’un des chantiers phares de la Stratégie gouvernementale de développement durable 2023-2028, laquelle prévoit l’établissement d’une feuille de route en la matière.

Il convient également de référer à la réforme du droit minier ayant eu pour objectif d’accroître la responsabilité environnementale du secteur par l’adoption de la Loi sur les mines en 2013. Le préambule de celle-ci prévoit notamment que la loi « [favorise] l’utilisation optimale des ressources minérales », de même que la création du « maximum de richesse pour la population du Québec » et la « [diversification] de façon durable [de] l’économie ».  Toujours dans le secteur minier, la Loi sur les mesures de transparence dans les industries minière, pétrolière et gazière, adoptée octobre 2015, vise notamment à garantir une meilleure acceptabilité sociale des projets d'extraction et d'exploitation des ressources naturelles.

Les autorités boursières canadiennes et provinciales ont également établi certaines règlementations sur les valeurs mobilières afin d’intégrer des considérations RSE à mesure que celles-ci occupent une place de plus en importante dans le secteur de la finance. En effet, les Autorités canadiennes en valeurs mobilières (ACVM) ont publié, en 2010, un avis intitulé Indications en matière d’information environnementale, imposant aux émetteurs assujettis de divulguer toutes les informations importantes, y compris celles qui ont trait aux questions environnementales et sociales. Le Règlement 51-102 sur les obligations d’information continue, le Règlement 58-101 sur l’information concernant les pratiques en matière de gouvernance et le Règlement 52-110 sur le comité d’audit prévoient également des obligations d’information relatives aux questions environnementales et sociales.

Depuis l’adoption de l’avis des ACVM, le Règlement 43-101 sur l’information concernant les projets miniers prévoit différentes informations environnementales que l’émetteur assujetti est tenu de divulguer. Plus récemment, les ACVM ont publié l’Avis 81-334 du personnel des ACVM – Information des fonds d’investissement au sujet des facteurs environnementaux, sociaux et de gouvernance contenant des indications destinées aux fonds d’investissement au sujet de leurs pratiques en matière de publication d’information sur les considérations entourant les facteurs environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG), surtout ceux dont les objectifs de placement mentionnent des facteurs ESG ainsi que ceux optant pour des stratégies ESG (les fonds relatifs aux ESG). Actuellement, le projet de Règlement 51-107 sur l’information liée aux questions climatiques (Règlement 51-107) est encore à l’étude après que les ACVM eurent publié un document de consultation en octobre 2021. Ce règlement créerait des obligations d’information spécifiques à la plupart des sociétés ouvertes au Canada sur les questions climatiques.

Au-delà du cadre légal, la divulgation de données liées aux critères ESG par les entreprises publiques canadiennes est de plus en plus exigée par les investisseurs. Comme évoqué plus haut, les impératifs du marché servent de base normative pour la finance durable dans le milieu des affaires. Par exemple, certaines entreprises de conseil en matière de vote par procuration, comme Glass Lewis et Investissements RPC, ont récemment mis à jour leurs lignes directrices de vote en mettant davantage l'accent sur les considérations ESG. Le NASDAQ s’est également intéressé à la question.

De plus, face à une certaine confusion suscitée dans le milieu des affaires par le manque de standardisation internationale quant aux critères ESG, l’ISSB, formé à l’occasion de la COP26 pour « transformer le paysage fragmenté actuel de la divulgation ESG en un langage mondial commun et cohérent de divulgation financière liée à la durabilité », a publié ses deux premières normes inaugurales en juin dernier: l’IFRS S1, General Requirements for Disclosure of Sustainability-related Financial Information , et l’IFRS S2, Climate-related Disclosures. La diffusion de ces normes, dont l’entrée en vigueur est prévue pour janvier 2024, représente un progrès majeur en faveur des divulgations obligatoires d’informations sur la durabilité à l'international, tout en offrant un aperçu des développements légaux à venir au Canada. Les ACVM accueillent favorablement ces nouvelles normes. Notons d’ailleurs qu’un cadre de divulgation relatif à la nature est également en cours d’élaboration par le Task Force on Nature-related Financial Disclosure (TNFD) et devrait être publié en version finale en septembre 2023.

 

Quelle réception pour l’anti-ESG au Canada ?

Comment concilier le cadre politico-juridique semblant toujours progresser vers un agenda pro-ESG, tant au Québec qu’au Canada, avec la récente foulée d’événements aux États-Unis? Après tout, le monde des affaires canadien connaît bien le fameux adage, « Quand les américains éternuent, la canadiens se mouchent ».

L’idée d’une certaine codépendance économique pèse donc, à première vue, sur l’avenir des critères ESG au Canada à un moment où S&P Global estimait qu’au moins 165 projets de loi et résolutions anti-ESG furent introduits dans 37 états américains au cours de la première moitié de 2023 (la moitié échouant toutefois).

En effet, comme le souligne l’expert en finance durable Dustyn Lanz, les sentiments anti-ESG trouvent déjà écho au Canada, que ce soit à travers des publications dans les médias ou des propositions d'actionnaires exigeant que certaines grandes banques réaffirment leurs engagements envers le pétrole et le gaz, propositions ayant reçu environ 1 % de soutien. Plus tôt cette année, le Fraser Institute, un groupe de réflexion canadien, a publié un essai qualifiant l'ESG de  « socialisme d'entreprise » et d’« agenda idéologique » faisant la promotion de l’activisme climatique, de la critical race theory et de centralisation, et ce, au détriment des intérêts des corporations. En outre, le député du Parti conservateur fédéral Tom Kmiec voulait, selon une copie d’un brouillon du projet de loi obtenu par le National Post en septembre 2022, amender la Loi canadienne sur les sociétés par actions (LCSA) de façon à interdire toute :

« déclaration activiste, y compris en rapport avec la politique publique ou des enjeux sociétaux qui ne sont pas directement liés aux activités de la société et dont on peut raisonnablement s'attendre à ce qu'elles réduisent la valeur des actions ».

En vertu de ce projet de loi, ce genre de déclaration serait en contravention avec le devoir fiduciaire de loyauté envers les actionnaires des administrateurs, argument légal souvent invoqué par les partisans de l’anti-ESG. En effet, les administrateurs devraient, selon ceux-ci, privilégier les intérêts des actionnaires et la quête de profit avant toute considération environnementale, notamment.

Or, malgré ces élans isolés, les données suggèrent en fait que l’anti-ESG n’a pas entièrement le vent dans les voiles. Selon Morningstar, les entrées d’argent dans les fonds durables canadiens ne sont pas au niveau de 2021 où ces investissements ont atteint leur apogée. Toutefois, au premier trimestre de 2023, les investissements dans ces fonds se chiffraient à 1,4 milliard de dollars, en hausse de 55 % par rapport aux trois mois précédents. L’enthousiasme se fait également sentir de l’autre côté de l’Atlantique. En effet, l’Europe comptait la moitié des actifs ESG globaux en 2021 selon des données de Bloomberg. L’Union européenne a par ailleurs adopté un plan d’action pour la finance durable en 2018.

En outre, le gouvernement albertain a même mis sur pied un « secrétariat ESG », affirmant du même coup la volonté de la province de se positionner comme un leader positif en la matière

Par ailleurs, Millani, une société de conseil ESG siégeant à Montréal, a récemment publié une étude sondant 27 investisseurs institutionnels canadiens gérant plus de 6 000 milliards de dollars d'actifs qui, à 100%, ont répondu que leur attitude vis-à-vis l’ESG n’avait pas changé malgré ce qui se passe aux États-Unis. Les investisseurs d’ici intégreraient même davantage les facteurs ESG depuis l’essor du mouvement anti-ESG américain.

Même au sud de la frontière, le mouvement anti-ESG rencontre une opposition certaine, incarnée notamment par le président américain Joe Biden qui a utilisé pour la première fois son veto présidentiel pour contrer une législation anti-ESG, démontrant ainsi l’engagement de son administration envers la finance durable. D’autant plus, en mars 2022, la SEC (Securities and Exchange Commission) des États-Unis a annoncé un plan intitulé « The Enhancement and Standardization of Climate-Related Disclosures for Investors » visant à introduire des divulgations climatiques obligatoires pour certaines organisations déclarantes en tant que nouvelle norme légale ESG. Ces nouvelles obligations imposées par la SEC viendrait standardiser la publication de rapports sur le développement durable par les entreprises, à l'instar de la récente Directive européenne en ce qui concerne la publication d’informations en matière de durabilité par les entreprises.

Notons, par ailleurs, que les ramifications légales entourant le devoir de fiduciaire envers les actionnaires sont différentes au Canada et aux États-Unis. En effet, la Loi portant exécution de certaines dispositions du budget déposée au Parlement le 19 mars 2019 et mettant en œuvre d’autres mesures,  sanctionnée en juin 2019, est venue modifier l’article 122 de la LCSA de façon à ce que les administrateurs et les dirigeants de la société puissent tenir compte des intérêts des actionnaires employés, des retraités et des pensionnés, des créanciers, des consommateurs, des gouvernements en plus de facteurs tels que l’environnement. Les considérations environnementales sont ainsi explicitement compatibles avec le devoir de fiduciaire, ce qui n’est pas le cas aux États-Unis.

 

Conclusion

Les législateurs autant que les décideurs du secteur financier sont favorables à l’implantation des critères ESG au Canada, le mouvement américain anti-ESG trouvant peu de résonance du côté de notre frontière.

Selon certains observateurs, le mouvement anti-ESG aux États-Unis semble davantage ancré dans un combat culturel cherchant à politiser la question environnementale et sociales plutôt qu’une prise de décision financière éclairée. D’ailleurs, bien que le PDG de BlackRock, l’une des plus grandes firmes de gestion d’actifs au monde, affirmait ne plus utiliser l’expression « ESG » puisque cette dernière serait trop politisée et polarisante aux États-Unis (particulièrement dans sa dimension sociale), il continuerait néanmoins de sensibiliser les entreprises dans lesquelles elle investit notamment aux enjeux environnementaux. Enfin, selon le Sustainable Investments Institute, les propositions anti-ESG d’actionnaires ont recueilli un vote favorable de moins de 4% en moyenne.

Ainsi, l’engouement pour la finance durable se fait plus que jamais sentir à l’échelle internationale et les besoins tendent beaucoup plus vers de la réglementation plus stricte et des divulgations plus complètes que l’inverse. D’ailleurs, les fonds anti-ESG américains connaissent présentement un ralentissement dans leurs dépôts selon la firme de recherche Morningstar.

Dans ces circonstances, les investisseurs peuvent s’estimer raisonnablement confiants en l’avenir de l’ESG, l’adoption de lois anti-ESG paraissant présentement loin de l’esprit des législateurs canadien et québécois. Les tendances américaines pourraient tout de même amener les investisseurs et entreprises québécoises à être plus précis dans leurs divulgations ESG pour éviter d’entrer dans les débats politiques que l’on observe au sud de la frontière.

 

[1] Le gouvernement du Québec définit la finance durable ainsi : « La finance durable est une approche économique permettant d’associer de manière concrète des considérations environnementales, sociales et de saine gouvernance (ESG) ou critères de durabilité à l’utilisation de ressources financières publiques et privées. » (Stratégie gouvernementale de développement durable 2023-2028, p.63)

 

 

Samy Guidoum Me Hélène Lauzon Me Olivier Dulude
Étudiant en droit          Présidente-directrice générale Directeur adjoint des affaires publiques et législatives

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